Les femmes de Heart Spring Mountain : la force de la nature
[Carozine dévore le roman Les femmes de Heart Spring Mountain - Robin MACARTHUR]
J’ai le neurone amorphe à force de ne plus dormir (quelle idée, aussi, d’avoir opté pour l’option sans sommeil du p’tit bout, non mais j’vous jure, fallait pas être très futée, non plus) depuis bien trop longtemps et, tandis que la pluie ruisselle sur mes velux et que je m’évertue à ne pas lancer par la fenêtre ma fille adorée (idée saugrenue liée à l’épuisement, hein, il ne me viendrait pas à l’esprit de me séparer de ma petite merveille, au cas où certains pèlerins perdus me prendraient au pied de la lettre), je me dis que je vais vous parler d’une lecture charmante : Les femmes de Heart Soring Mountain, de Robin MacArthur. Lecture d’autant plus charmante que je l’ai eue en cadeau, lors d’un concours organisé par Léa, la fondatrice du Picabo River Book Club (club de lecture spécialisé dans la littérature nord-américaine et dont je vous ai déjà parlé maintes fois), et les éditions Albin Michel. Donc voilà. Au lieu de m’énerver, de pleurer et de m’arracher les cheveux, ce qui serait inutilement douloureux, je vais parler lecture. Voilà. Et hop, d’un seul coup d’un seul, l’harmonie revient dans le foyer éreinté.
Les branches des érables et des chênes cinglent les vitres, les sirènes hurlent dans toute la ville. Une heure que l’électricité est coupée, et tout ce que voient Bonnie et Dean, ce sont ces branches aux feuilles tachetées, battues par le vent, et cette pluie torrentielle. Un ouragan ! Les infos l’ont annoncé, il est là. Et bien là. Les femmes de Heart Spring Mountain - Robin MACARTHUR
Les femmes de Heart Spring Mountain : une jeune femme en quête de vérité
Nous sommes en 2011 et l’ouragan Irene s’abat sur les Etats-Unis… sur le Vermont, plus précisément (et dire que mes parents ont décidé d’y passer l’été, folie !). Une femme, Bonnie, se plante une seringue d’héroïne dans le bras et décide d’aller barboter un peu, de sentir le vent ébouriffer ses cheveux. Elle enfile ses baskets blanches, fait coucou à la voisine qui filme le désastre s’écrouler sur la ville… et disparaît, engloutie par les rafales de vent et les trombes d’eau. À quelques kilomètres de là (à la Nouvelle-Orléans, ville également hantée par un autre ouragan dévastateur), sa fille, Vale, qui a fui le foyer maternel dix ans auparavant pour se préserver, décide de partir à sa recherche et de retourner sur les terres ancestrales, là où sa mère a grandi. Elle y trouve la vieille Hazel, mère de remplacement de Bonnie, qui perd doucement son lien au présent, ainsi que Deb, ancienne hippie ayant épousé le fils de Hazel.
« Bonjour ! » vous dis-je en m’étirant. Des pins blancs : des dames au dos bien droit, charmeuses. Vous vous courbez sous le vent, chantez au plus fort des tempêtes, votre odeur est celle de la terre quand le soleil brille et celle du sucre quand il pleut.
J’interroge Otie. « Je suis bonne à quoi, mon ami ? » Il cligne de la paupière et consulte les arbres. Moi : vingt-sept ans. Et un oeil qui dit merde à l’autre. Les femmes de Heart Spring Mountain - Robin MACARTHUR
Les femmes de Heart Spring Mountain : liens familiaux et appel de la terre
La fin de ce résumé un poil alambiqué vous donne le ton : les liens familiaux des Femmes de Heart Soring Mountain sont sinueux. Au sommet de la pyramide, il y a Marie, l’aïeule disparue depuis bien trop longtemps mais de qui découle toutes ces générations de femmes à la beauté sauvage et aux cheveux d’un noir brillant. Et, enfin, nous trouvons Hazel et sa soeur Lena, mère de Bonnie, aussi farfelue et ingénue que sa soeur aînée est sérieuse et stoïque. Lena qui aime le mari de sa soeur et sa chouette, Otie. Lena qui meurt quelques jours après la naissance de sa fille. Et Bonnie, fille perdue. Qui met au monde une fille également perdue mais qui n’aura de cesse de lever le voile sur le passé familial, Vale. Au fil des pages du roman Les femmes de Heart Soring Mountain se croisent les voix de ces femmes au caractère bien trempé et c’est ce qui rend ce roman chorale si attachant : l’éclatement de la vérité entre les différents personnages. Les chemins de vie en dehors des cadres de la société qui se croisent et tricotent une famille irrémédiablement attachée à la terre des ancêtres, à ces arbres et à cette vie qui palpite sous leurs pieds. Les femmes de Heart Spring Mountain sont une famille d’excentriques, d’inadaptés à la vie en société. Et ce petit grain de douce folie leur confère un charme fou. Si je n’ai pas été ultra fan de l’écriture de Robin MacArthur, parfois abrupte et parfois mélodieuse, ni de ses réflexions sur l’avenir de la planète ou les Amérindiens (notamment) qui sont un peu amenées comme un cheveu sur la soupe, j’ai été envoûtée par les paysages, et par ces personnages tout feu tout flamme (abstraction faite de Bonnie, qui reste franchement évanescente et absolument impalpable). Voilà. Certains défauts sont présents et parfois agaçants, mais ils n’empêchent pas la force des paysages et des personnages (merci fantasque Lena d'illuminer ce roman de ta présence !) de nous emporter.
Elle dépasse les fermes entourées de vaches et de hangars délabrés, des mobile homes devant lesquels des chiens montent la garde, des cabanes adossées aux arbres. Un frisson lui parcourt la colonne vertébrale. Elle aime l’impression que donne ce paysage d’être sauvage, sans entrave. Les femmes de Heart Spring Mountain - Robin MACARTHUR
Les détails du livre
Les femmes de Heart Spring Mountain
Auteur : Robin MACARTHUR
Traducteur : France CAMUS-PICHON (Heart Spring Mountain)
Éditeur : Albin Michel
Prix : 22,00 €
Nombre de pages : 351
Parution : 31 janvier 2019
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
Autres lectures de Carozine : Trilogie de Corfou (2) : Oiseaux, bêtes et grandes personnes… retour sur l’île lumineuse (roman coup de ♥).