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La solitude du docteur March : une idée intéressante pour un rendu franchement minable

[Critique du roman La solitude du docteur March - Geraldine BROOKS]

22 Mars 2012

Carozine lit La solitude du Dr March
Si vous n'étiez pas encore familier avec le concept du "couperet de la page 100", je vais vous l'expliquer de ce pas, et avec jubilation en plus (grâce à notre livre du jour : La solitude du docteur March)! C'est ce principe qui veut que, quand un livre vous agace prodigieusement et que vous luttez pour en tourner les pages tellement il est soporifique, vous refermez votre roman avec inélégance à la page 100. Pourquoi donc la page 100, me demanderait le Docteur Watson s'il avait été présent en ces lieux ? Elémentaire ! Parce que dans votre grande bonté d'âme, vous donnez tout de même une chance à l'auteur de se dépatouiller avec son histoire et de lui faire prendre un virage radicalement palpitant... pour vous rendre compte à la page 99 que vraiment le roman ne décolle pas et qu'il risque fort de vous endormir profondément. Ou de frôler l'arrêt cardiaque à force de fulminer contre un auteur peu inspiré. Malheureusement, La solitude du docteur March a donc été frappé de la tragédie du couperet. Géraldine Brooks nous noie de bons sentiments et j'en suis d'autant plus déçue que j'avais mis en place un savant lavage de cerveau auprès de mes proches pour recevoir La solitude du docteur March en cadeau de Noël...

La solitude du docteur March : la vie des Quatre filles du docteur March... avant leur naissance

La solitude du docteur March - Geraldine BROOKS [Ed. Belfond]
Recadrons un peu La solitude du docteur March pour ceux qui auraient la mémoire courte et ne se souviendraient pas du roman de Louisa May Alcott : les quatre filles du docteur March tricotent et chantent dans la neige ou au coin du feu pendant que papa sert de chair à canon pendant la guerre de Sécession. Partie du constat que papa March n'était tout de même que peu présent dans le roman (ce qui semble logique, toutefois, car il n'était pas pourvu du don d'ubiquité), Géraldine Brooks a décidé de lui donner une consistance, un passé... bref : une histoire ! Ce qu'elle fit avec La solitude du docteur March. Fort bien me direz-vous. Ou plutôt non. Géraldine Brooks, oui, je m'adresse à vous : était-il réellement nécessaire de reprendre le mièvre sentimentalisme ? de répéter à chaque fois les valeurs de la bonne société ? Franchement... que pouviez-vous faire de plus soporifique ?! Je vous le demande. Le pauvre docteur March était donc, selon Géraldine Brooks, un marchant ambulant et idéaliste qui vendait son bric-à-brac aux riches propriétaires. Il rencontre bien évidemment la future madame March qui partage, bien sûr, les mêmes valeurs que lui (figurez-vous, et ceci est absolument révolutionnaire, attention, que l'esclavage, ce n'est pas bien du tout et que la religion, il n'y a rien de mieux... Bon sang de bois, heureusement que Géraldine Brooks est là pour révolutionner le monde !)... Et zou ! A la guerre ! Il y est employé comme aumônier, bien naturellement garant de la bonne morale des troupes (et non du bon moral, car il est bien connu que le moral des troupes se trouve dans l'assiette, mais qu'à l'époque celle-ci était bien vide) et là, attention, voici l'élément perturbateur dont notre professeur de français nous bassinait pour rédiger nos rédactions : Grace, une esclave dont le docteur March était amoureux il y a vingt ans, débarque à nouveau dans la vie du gentillet docteur March, en plein carnage yankee. Entre deux bombes et deux minauderies, le docteur March trouve tout de même le temps d'écrire d'insipides lettres à sa gentille femme qui coud auprès du feu. Tout cela est d'un ennui mortel.

Je manquai mon coup, le vêtement tomba en tas à côté de la table. Harris, impatient de me voir partir, se pencha pour le ramasser. Saisissant cet instant, je pivotai et raflai les pages de Prudence sous mon veston. L'homme se redressa et me tendit ma chemise. Je gagnai tout doucement la porte. Au moment où je tendais le bras pour lui prendre la chemise des mains, l'une des feuilles s'échappa de mes doigts, voltigea et atterrit à l'envers sur le sol. En hâte, je m'avançai pour la récupérer. Son attention éveillée par mon étrange comportement, Harris fut tout aussi leste. Nos crânes se heurtèrent avec un bruit sourd. Nous tenions tous les deux le papier. Je tirai, il se déchira. Le régisseur retourna son fragment de feuille, le front creusé de sillons.
Que diable...La solitude du docteur March - Geraldine BROOKS

La solitude du docteur March : décevant

La solitude du docteur March - Geraldine BROOKS [Ed. Pocket]
La solitude du docteur March est un roman sirupeux, barbant... C'est d'autant plus navrant que l'idée de départ est loin d'être mauvaise : donner vie à un personnage inexistant et pourtant omniprésent d'une histoire ayant bercée l'enfance d'un paquet de bambins aurait pu être diablement intéressant et amusant. Mais Geraldine Brooks a fait de La solitude du docteur March un formidable navet, tout juste bon à venir caler une table branlante et ne valant pas même le coup de déclencher une guerre nucléaire, en déclarant par ce piètre présent les hostilités, avec votre belle-mère. Comment est-il diantre possible de rendre un personnage aussi mièvre (on peut même porter le chiffre à deux car Madame March ne sort pas son épingle du jeu, loin de là... entre deux propos féministes, elle fait pâle figure) ? Je vous le demande ! Je vous aurais volontiers épargné le calvaire de lire un second extrait de La solitude du docteur March mais ma perversité n'a pas de limite et cela me réjouit terriblement !
Notez qu'un autre auteur a une idée qui semblait, sur le papier, follement palpitante et qui se révèle être tout aussi décevante ; cela fera l'objet du prochain message... et vous saurez alors si le couperet est tombé à la page 100 comme il menace de le faire ! P.D. James (Death Comes TO Pemberley traduit,entre temps, par La mort s'invite à Pemberley), tiens-toi bien...

"(...) Mais peut-être un jour aurai-je la charge de mes propres filles. Si c'est le cas, je veillerai à ce qu'elles n'aient pas l'esprit moulé sur l'idéal mignard de la féminité promu par la société. Oh ! comme j'aimerais éduquer des écrivains et des artistes qui obligeraient le monde à reconnaître ce dont les femmes sont capables !". Elle partit d'un rire léger. "Bien entendu, il me faudra d'abord trouver un partenaire qui accepte de partager sa vie avec une mégère aussi intransigeante."
Il s'écoula un silence gêné. Sincèrement, je ne sais comment je l'aurais comblé, si le révérend Day n'était rentré à cet instant précis. J'aurais dû la demander en mariage séance tenante, ce qui nous eût épargné une attente aussi inutile que douloureuse.La solitude du docteur March - Geraldine BROOKS

Les détails du livre

La solitude du docteur March

Auteur : Geraldine BROOKS
Editeur : Pocket
Prix : 6.84 €
Nombre de pages : 382
Parution : 1 septembre 2011.

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La solitude
du docteur
March

22 mars 2012

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

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. . Caroline D.