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La Havane année zéro : l'âme cubaine dans toute sa splendeur

[Critique du roman La Havane année zéro - Karla SUAREZ]

17 Juin 2012

En ce jour de fête des pères, voici un roman cubain qui fleure bon l'air moite de Cuba, les voitures bancales et les vélos rafistolés : La Havane année zéro de Karla Suárez. Quelques années après la chute du mur de Berlin, Cuba sombre dans le marasme économique et Karla Suárez décide d'y planter le décor de son roman, nous faisant découvrir la vie cubaine, les coupures de courant, les bicyclettes rouillées, la débrouille de ses habitants et un certain fatalisme nimbé d'espoir. Mais La Havane année zéro c'est, avant tout, un inventeur de génie tombé dans l'oubli car supplanté par un Américain (ah ! on pourrait en dire des choses sur l'égémonie de l'Amérique capitaliste ! Hasta la victoria siem... comment ? Non ? Pas de référence historique déplacée ? Bon...)

La Havane année zéro : de la transpiration et un inventeur détrôné

La Havane année zéro - Karla SUAREZ [Ed. Métailié]
En cette année zéro qu'est 1993, Julia découvre l'existence d'un certain Antonio Meucci, inventeur de génie s'étant installé quelques temps à Cuba (avant de fuir vers les Etats-Unis) et y ayant mis au point le téléphone. Oui, oui. Graham Bell ne serait qu'un imposteur (ou presque) et Antonio Meucci serait le réel inventeur de cette terrible invention faisant manquer des battements à mon coeur à chaque fois que la sonnerie retentit. Il en existerait même une preuve irréfutable, un schéma de la main du savant fou, quelque part à Cuba. Quelque part ? Il n'en faut pas moins pour que le monde de Julia se mette irrévocablement en branle et qu'elle se retrouve telle une marionnette entre les mains de son ancien mentor et amant, Euclides, souhaitant mettre la main sur le document pour assurer sa fortune et sa renommée, de son amant chevelu, Angel, qui désire mettre un terme à sa relation avec son ex-femme en lui rendant le précieux document, d'un écrivain plein d'imagination et d'ambition, Leonardo, mais également d'une Italienne dont le soutien-gorge explose, fraîchement débarquée à Cuba pour également s'emparer du document de Meucci. Julia se trouve ainsi au coeur des volontés de ces trois protagonistes, qui usent du mensonge pour parvenir à leur fin, qu'il s'agisse de rompre la monotonie de la vie cubaine ou de disposer du précieux document.

Un papillon avait battu des ailes de l'autre côté de l'Atlantique et fait tomber le mur de Berlin et, peu à peu, l'effet a commencé à devenir visible à Cuba où règne un système instable.La Havane année zéro - Karla SUAREZ

La Havane année zéro : petites tromperies et grande histoire

Karla SUAREZ [La Havane année zéro]
L'année zéro n'est autre que l'abîme dans lequel est plongée l'île de Cuba au début des années 1990, mais également ce point de non retour qui pousse le chaos à engendrer de l'action : alors que l'existence de Antonio Meucci a été dévoilée en 1989, ce n'est qu'en 1993 que l'affaire éclate pour Julia et que se met en branle l'inexorable tentation de mettre la main sur le fameux schéma. La Havane année zéro est construit comme une énigme mathématique : Julia est professeur d'abord en université puis dans un lycée et décortique les différentes évolutions de son enquête comme un problème posé par Pythagore. Le fait est que Karla Suárez est également ingénieur informatique (d'où l'esprit cartésien de la chose). Bien que l'adresse au lecteur soit surprenante (et a tendance à me déranger mais il est désormais un fait établi que je suis une éternelle chieuse), l'intrigue est rondement menée et l'on se trouve perdu avec Julia au coeur de cette tornade de mensonges et de volontés propres lui laissant l'impression de n'être qu'un pion sur un vaste échiquier. La Havane année zéro part d'un fait historique (Antonio Meucci a bel et bien existé et une très formelle organisation a même reconnu, en 2002, sa participation à l'invention du téléphone) pour construire une intrigue palpipante (mais qui diable possède ce schéma ?!) et nous faire visiter Cuba de l'intérieur, à travers le regard désabusé de ses habitants. La Havane année zéro est un roman prenant que l'on a du mal à lâcher et le retournement final est plutôt amusant ! Une jolie découverte en somme :-)

C'était en 1993, année zéro à Cuba. L'année des coupures d'électricité interminables, quand la Havane s'est remplie de vélos et que les garde-mangers étaient vides. Il n'y avait plus rien. Pas de transport. Pas de viande. Pas d'espoir. J'avais trente ans et des problèmes à la pelle, c'est pour ça que je me suis laissé embringuer dans cette histoire, même si au début je ne me doutais pas que, pour les autres, les choses avaient commencé bien avant, en avril 1989, quand le journal Granma a publié un article intitulé "Le téléphone a été inventé à Cuba" où il était question de l'Italien Antonio Meucci. La plupart des gens ont dû oublier l'histoire, mais pas eux, ils avaient découpé et gardé l'article. Ne l'ayant pas lu, en 1993 je ne savais encore rien de l'affaire, jusqu'à ce que j'en devienne insensiblement partie prenante. C'était inévitable. Diplômée en mathématiques, je dois à ma formation méthode et raisonnement logique. Je sais qu'il y a des phénomènes qui ne peuvent se produire que lorsque certains facteurs sont réunis et, cette année-là, nous étions tellement dans la mouise que nous avons convergé vers un point unique. Nous étions les variables d'une même équation. Une équation qui ne serait résolue que des années plus tard, et sans nous, bien sûr.La Havane année zéro - Karla SUAREZ

Les détails du livre

La Havane année zéro

Auteur : Karla SUAREZ
Editeur : Métailié
Prix : 18.52 €
Pages : 250. Parution : 5 avril 2012.

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La Havane
année zéro

17 juin 2012

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

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. . Caroline D.