La collectionneuse : de la BD canadienne qui réveille et amuse
[Carozine dévore La Collectionneuse - Pascal GIRARD]13 Oct. 2015
Cela faisait des lustres que je ne m’étais pas plongée dans une BD adulte… et je dois dire qu’à la lecture de Pascal Girard et de sa Collectionneuse, j’ai réalisé que cela m’avait manqué. Souvenez-vous, la dernière fois remonte à la (fantastique) BD Fables, tome 1, Légendes en exil. Ca ne date pas vraiment d’hier ! Imaginez un peu : j’étais encore blonde et un épais chignon venait se percher en sommet de ma tête. Je vous dis : des lustres ! (Ah ! pas tout à fait, j’ai mis le nez dans le dernier Loisel, Le magasin général —encore un contexte québécois, d'ailleurs, décidément, en ce moment, je passe mon temps au Canada !—, mais j’ai juste oublié d’en faire une chronique. Oups.) Et je suis absolument ravie que mon retour dans l’univers BD se soit fait grâce à Pascal Girard. Je ne connaissais pas du tout cet auteur québécois de bande dessinée, mais son personnage à la ramasse m’a franchement plu et je pense faire un détour par ses oeuvres précédentes assez rapidement !
La collectionneuse : un bédéiste (??!?) face à sa voleuse
Pascal (oui, j’ai décrété que c’était lui, après tout, tout le monde a un alter ego littéraire) et son pull rayé façon Où est Charlie est un grand blond maladroit qui approche de la trentaine avec indécision. Il vient de se faire larguer par sa blonde après l’avoir supportée neuf ans et, depuis, il squatte chez un couple d’amis, heureux jeunes propriétaires d’un gremlin haut comme trois pommes avec lequel Pascal n’est pas des plus doués. Franchement déprimé, il décide de se mettre à la course. Sauf qu’il se vautre comme un glandu et s’éclate le dos. Ajoutez à cela qu’il manque d’inspiration (et donc d’argent) et qu’il souhaite se réorienter professionnellement, quitte à se replonger dans la ferblanterie (après tout, il possède toujours son diplôme, bien qu’un poil poussiéreux). Alors que sa « physio » lui ordonne de ne plus courir, Pascal traîne ses pompes dans une librairie pour y dénicher le livre qui lui permettra de se remettre de sa peine de coeur, quand il aperçoit une blonde tirer de l’étagère SON livre… et le glisser dans son sac avant de sortir de la librairie. (Mince, alors, et les droits d’auteur, hein ? Pour les cochons ? Non mais des fois !) Pascal se précipite à sa suite et décide de mener l’enquête pour retrouver la voleuse de livres.
La collectionneuse : une BD légère mais pas trop que j’ai adoré dévorer
Bon, ne connaissant pas l’univers de Pascal Girard, j’ai eu une surprise de taille (non, je n’ai pas frôlé l’arrêt cardiaque), surtout après avoir vu la couverture haute en couleurs de La collectionneuse : l’ensemble de la BD est en noir et blanc. Ceci étant, les dessins de Pascal Girard étant particulièrement expressifs, la couleur saute malgré tout aux yeux (oui, je sais, ce n’est pas logique) : on voit la blondeur des cheveux, les étagères croulant sous les livres multicolores, le sac en tissu où viennent se cacher de la caisse enregistreuse les livres dérobés, le bordeaux du verre de vin, le bleu de la marinière… Bref ! La couleur ne manque pas au lecteur. Et l’univers de Pascal Girard est une petite merveille : j’aime son trait léger et expressif sombrant parfois dans la tremblote nerveuse, son humour caustique et son autodérision, la maladresse de son héros un poil timide et naïf. Sur un ton drôle et léger, Pascal Girard évoque les peines de coeur, l’amitié et la confiance, l’amour évidemment, la difficulté d’être auteur et de trouver l’inspiration quand le quotidien influence grandement son travail. L’intrigue flirte avec la comédie romantique, grâce à la relation qui se noue entre la voleuse et l’auteur (qui a bien du mal à mener son enquête avec objectivité), mais également avec Les temps modernes, à travers ces planches mordantes et drôles sur la réorientation professionnelle plutôt foireuse. La collectionneuse nous fait évoluer entre inertie dépressive et légèreté printanière, avec virtuosité. Les doutes et les névroses de ces personnages attachants s’étalent en des illustrations légères et délicates, et ne peuvent que nous séduire. Quand c’est bien fait, que la critique est affutée, l’autodérision, hilarante, que pouvons-nous demander de plus ? De la couleur ? Même pas.
Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
Autres lectures de Carozine : (dans un genre radicalement différent mais incroyablement bien) 2084, La fin du monde : Orwell au pays du totalitarisme religieux [rentrée littéraire 2015]