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La bibliothèque des coeurs cabossés : le « feelgood » du moment

[Carozine dévore le roman La bibliothèque des coeurs cabossés - Katarina BIVALD]

30 Mars 2015

Carozine dévore le roman La bibliothèque des coeurs cabossés - Katarina BIVALD
Braves gens profitez, c’est le petit quart d’heure Bisounours chez Carozine ! Oui, parce que nous ne pouvons pas être cynique à longueur d’année, c’est tout bonnement épuisant. Voici donc pour vous, le roman « feelgood » du moment, celui qui vous fera tourner les pages gaiement sans bien vous soucier de la fin (car, oui, le dénouement est forcément prévisible) mais plus du moyen d’y parvenir : La bibliothèque des coeurs cabossés, de Katarina Bivald. D’ailleurs, Katarina Bivald, j’ai une immense question pour vous (non, cette question s’adresse plutôt à votre traductrice, parce que j'ai beau ne pas parler suédois, le titre original ressemblerait plus à "Les lecteurs de Broken Wheel vous recommandent...") : pourquoi diable La bibliothèque des coeurs cabossés quand tout le roman ne parle que d’une librairie ?! si vous pouviez éclairer ma lanterne sur ce point, je vous en serais bien reconnaissante). Bref : âmes sensibles et amatrices de rose bonbon, ce livre est fait pour vous. Car il souffle entre les pages de La bibliothèque des coeurs cabossés comme une brise de Jane Austen (la partie cynique de dénonciation sociale en moins) qui est franchement agréable.

L’inconnue qui se tenait dans la rue principale de Hope était si quelconque que c’en était presque choquant. Une silhouette morne et sans formes vêtue d’un manteau gris de mi-saison, bien trop chaud pour cet automne. Un sac à dos gisait à ses pieds et une énorme valise était appuyée sur une fine poignée télescopique. Aux yeux des habitants qui avaient assisté par hasard à son arrivée, négliger à ce point son apparence était un manque certain de savoir-vivre. Comme si cette femme se moquait éperdument de leur faire bonne impression. La bibliothèque des coeurs cabossés - Katarina BIVALD

La bibliothèque des coeurs cabossés : Sara, Amy et les livres

La bibliothèque des coeurs cabossés - Katarina BIVALD [Ed. Denoël]
Sara Lindqvist est une Suédoise de 28 ans (alors, c’est un point, là aussi, que je ne comprends pas bien car, en calculant son âge, j’en suis arrivée à 27 parce que 17 ans + 10 ans de librairie = 27, dans la logique mathématique carozinienne… donc, cher éditeur de La bibliothèque des coeurs cabossés : pourquoi diable vieillir Sara d’un an sur votre quatrième de couverture ? non mais des fois), qui préfère vivre à travers ses livres (oui, comme une certaine rédactrice de blog, absolument). Et pour cause, les histoires et les personnes y sont toujours plus intéressantes que dans la vraie vie. Une vieille Américaine, Amy Harris, la contacte par une belle journée et par courrier… point de départ d’une jolie amitié épistolaire. Et quand sa librairie met la clef sous la porte, Sara se décide à vivre une première expérience : elle s’envole pour les Etats-Unis, afin d’y rencontrer Amy et de découvrir la petite ville qu’elle a si souvent évoquée dans ses lettres : Broken Wheel. Malheureusement, avec ses commerces fermés et ses façades décrépies, Broken Wheel ne ressemble pas tout à fait à ce que Sara avait en tête. Pire : Amy a eu l’audace de mourir avant son arrivée. Et les habitants de la petite ville, qui, bien évidemment, se connaissent tous, se retrouvent avec cette étrange question : mais que faire de cette touriste suédoise qui ressemble à s’y méprendre à un rat de bibliothèque ? Mais c'est bien sûr : une idylle ! Sacrifions-lui un pauvre gars qui n'a rien demandé... d'autant qu'il n'est même pas inscrit à la gazette de Broken Wheel, sacrilège suprême, vous l'admettrez aisément.

Le message avait à nouveau été interrompu et le suivant n’avait été enregistré que trois heures plus tard. Sa mère une fois de plus :
« Sara ! Pourquoi ne réponds-tu pas ? Est-ce qu’Amy est une tueuse en série ? Je sais bien comment c’est aux Etats-Unis. Si tu es découpée en morceaux quelque part, je ne te pardonnerai jamais. Si tu ne nous rappelles pas immédiatement, je contacte la CIA. » Son père marmonnait quelque chose en arrière-plan. « Ou le FBI, peu importe. » La bibliothèque des coeurs cabossés - Katarina BIVALD

La bibliothèque des coeurs cabossés : un roman réjouissant qui met du rose au coeur

La bibliothèque des coeurs cabossés - Katarina BIVALD
Disons les choses clairement, La bibliothèque des coeurs cabossés ne vaut pas pour son immense mérite littéraire. Non. Certes, Katarina Bivald écrit joliment et le style est plutôt fluide (surtout, elle y inclut une petite touche d’autodérision qui est loin de me déplaire !), mais là n’est pas l’atout de La bibliothèque des coeurs cabossés. Tout réside dans ses personnages. Car Sara Lindqvist, pour une passionnée de livres qui a souvent préféré passer ses soirées à dévorer un roman plutôt qu’à faire la tournée des bars avec ses amies, est diablement attachante dans son rôle d’anti-héroïne qui ne ressemble à rien et qui s’avachit dès qu’un regard se pose sur elle. Cependant Sara a tout ce qu’il faut pour être un personnage principal : du caractère, bien qu’elle le cache bien ; de la gentillesse et de la compassion à revendre ; de la volonté. Et il en faut une bonne dose pour trouver une occupation qui lui permettra de rémunérer les habitants de Broken Wheel pour tout ce qu’ils font afin de lui être utile. Alors Sara n’a pas à réfléchir bien loin pour trouver l’idée qui sera une véritable renaissance pour elle et pour la ville : ouvrir une librairie et faire entrer les livres dans Broken Wheel. Parce qu’il n’y a aucun doute là-dessus : ses habitants manquent cruellement de romans. A travers cette librairie, Katarina Bivald nous dévoile les habitants pittoresques et rarement manichéens de Broken Wheel : l’émouvant George, trop facilement relégué au rôle de brave homme ; la dynamique et volontaire Caroline Rhode, loin d’être aussi hermétique qu’on le soupçonne ; la brusque Grace et son snack… La galerie de personnages est bien dessinée, décrite avec sensibilité et intelligence : c’est là toute la force de La bibliothèque des coeurs cabossés. Car, oui, les livres ont le pouvoir de changer les gens. Evidemment, il y a une histoire d’amour. Evidemment, on la voit venir comme le nez au milieu du visage d’un oenologue dès les premières pages. Mais on ne peut s’empêcher de tourner les pages et d’apprécier ce petit moment de bonheur. Et pour les passionnés de lecture qui se sentent souvent incompris parce qu’ils ont plus souvent le nez plongé dans un livre que relevé pour regarder le temps maussade, ce livre est tout simplement salvateur : non, vous n’êtes pas tout seul. Et oui, il arrive que les livres soient follement plus palpitants que la vie. Néanmoins, certaines personnes méritent d’être connues et certaines aventures méritent d’être vécues car la vie sait, parfois, faire battre votre coeur plus rapidement. Et, comme le dit si bien La bibliothèque des coeurs cabossés : la vie est pleine de « happy ends »… encore faut-il les voir, ou tout simplement décider de devenir le personnage principal de votre roman.

Cela l’effrayait et elle doutait à l’avenir d’être encore capable de se contenter de lire et de travailler. Mais comment devenait-on une personne qui avait des rêves et un but dans la vie ? Sara ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle n’était jamais montée dans le train de sa propre existence. Longtemps, elle n’avait fait que suivre les événements de loin. Tant que les autres n’étaient que des adolescents malheureux et plus ou moins ridicules, cela n’avait pas été un problème, mais soudain, ils s’étaient transformés en adultes tandis qu’elle, elle lisait toujours. La bibliothèque des coeurs cabossés - Katarina BIVALD

Les détails du livre

La bibliothèque des coeurs cabossés

Auteur : Katarina BIVALD
Editeur : Denoël
Prix : 21,90 €
Nombre de pages : 496
Parution : janvier 2015

30 mars 2015

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

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. . Caroline D.