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L'enfant qui mesurait le monde : un avant-goût de vacances grecques

[Carozine dévore le roman L'enfant qui mesurait le monde - Metin ARDITI]

Carozine lit le roman L'enfant qui mesurait le monde - Metin ARDITI
Le retour du soleil et de la chaleur donne envie de se prélasser… d’autant que la semaine relativement courte qui s’annonce a franchement tendance à renforcer la fainéantise. J’ai ici (une enveloppe… non, bon…) LA solution pour agrémenter votre week-end. Non, parce que l’on ne sait jamais : du pollen qui vous rentre dans les narines, et hop, vous êtes cloué(e) au lit par des allergies qui renforcent par la même occasion votre ceinture abdominale à force d’éternuer à réveiller les morts ; une cheville foulée après avoir tenter d’être élégante sur des talons aiguilles malgré les pavés ; ou, tout simplement, une flemme astronomique qui vous donne envie de profiter de ce temps alloué… bref. Les raisons ne manquent pas pour se plonger dans un livre ! Et, aujourd’hui, je vous parle du roman de Metin Arditi (ne me demandez qui c’est, je n’en ai pas la moindre idée et le baobab enraciné dans ma paume m’empêche de mener l’enquête) : L’enfant qui mesurait le monde. Il sent bon la Grèce, donc, forcément, je me devais de le dévorer (mal m'en a pris, car, maintenant, j'ai envie de partir). C’est chose faite. Et j’en remercie bien bas ma chère maman.

On les aurait pris pour des jumeaux. Ils avaient les mêmes cheveux blonds coupés courts, le même visage à l’ossature délicate, le même nez petit et droit. La même beauté, aussi, de celles qui sont inconscientes de leur effet. Seule leur expression différait. L’un avait le regard absent, l’autre semblait exaspéré. L'enfant qui mesurait le monde - Metin ARDITI

L'enfant qui mesurait le monde : une île, ses habitants et un Américain

L'enfant qui mesurait le monde - Metin ARDITI [ed. Grasset]
Eliot est un architecte new-yorkais d’une soixantaine d’années dont les parents, Grecs du Péloponnèse (oh oui !), se sont exilés aux Etats-Unis après la seconde guerre mondiale pour fuir la guerre civile et la famine. Ils sont rentrés dans le moule, mais, comme toujours, les racines prennent le dessus avec les générations suivantes. Cela titillait déjà Eliot petit… mais cela démange carrément sa fille, Eurydice (surnommée Dickie), qui part s’installer à quelques encablures d’Athènes, sur l’île de Kalamaki (inutile de la chercher sur une carte, elle n’existe pas), pour y analyser sous toutes les coutures l’amphithéâtre antique. Sauf que voilà. Eurydice meurt et un appel des autorités locales contraint Eliot à se rendre sur place, à Kalamaki. Devant l’accueil chaleureux des habitants de l’île et la splendeur des paysages, Eliot décide d’enterrer sa fille sur l’île… et de rester. Il reprend l’étude de l’amphithéâtre et du nombre d’or, l’étend à l’ensemble de l’héritage de la Grèce antique… et douze ans passent ainsi, comblant le vide laissé par l’absence de sa fille. Jusqu’au jour où le vide le rattrape. Et l’ingénieux pope de Kalamaki décide alors d’intervenir en poussant Eliot à s’occuper de Yannis, petit garçon autiste né le jour même de la mort d’Eurydice, et dont la mère, pêcheuse à la palangre, ne peut s’occuper la nuit.

Assis au dixième rang de l’amphithéâtre, le regard flou, Eliot avait la main droite posée sur la place voisine. Il lui imprimait un mouvement de va-et-vient délicat, comme une caresse, de celles que l’on répète sans y prendre garde, lorsqu’on veut consoler. Chaque jour depuis douze ans, pour peu qu’il soit sur l’île, il retrouvait cette même place et répétait le petit geste. L'enfant qui mesurait le monde - Metin ARDITI

L'enfant qui mesurait le monde : un roman touchant et lumineux

L'enfant qui mesurait le monde - Metin ARDITI [ed. Grasset]
Soyons franc dès le départ, L’enfant qui mesurait le monde ne fera pas partie de ces romans inoubliables qui forgent le rang des grands classiques. Cependant, il restera dans un petit coin de la mémoire pour son décor et son ambiance si caractéristiques de la Grèce que je connais et que j’aime tant. À travers l’histoire de Kalamaki et de ses habitants, Metin Arditi raconte l’Histoire de la Grèce, l’exil contraint de ses habitants, mais également les relations difficiles avec la Turquie dont la communauté grecque a été chassée (dans le meilleur des cas… mais je n’évoquerai pas ici les décisions lourdes de conséquences prises par les Jeunes-Turcs en Anatolie, car c’était bien avant l’époque mentionnée dans L’enfant qui mesurait le monde)… et cette crise qui n’en finit plus, qui fait que la Grèce se vend au plus offrant en perdant sa dignité et son histoire pourtant si riche. Mais L’enfant qui mesurait le monde prend le parti de l’espoir ; la flamme grecque n’est pas éteinte, comme le laisse entendre la devise de ce pays que j’admire : la liberté ou la mort. Entre les retraites et les salaires rabotés, les touristes frileux ou concentrés dans les mêmes zones, les Grecs tentent de survivre. Et l’île de Kalamaki n’échappe pas à la règle. Car si la Grèce de ces dernières années sert de décor à L’enfant qui mesurait le monde, le roman n’en oublie pas, pour autant, son pilier : la relation entre Eliot et Yannis, ce petit garçon autiste amoureux des chiffres et de l’ordre, autour duquel toute l’île gravite et qui fait ressortir le meilleur en chacun de ses habitants (ou presque). Metin Arditi signe là un roman profondément humain et lumineux, plein d’espoir. Alors voilà. L’enfant qui mesurait le monde ne bouleversera pas votre vision de la littérature, mais vous passerez entre ses pages un très beau moment, et, pour ceux qui ne connaissent pas encore la Grèce, je ne doute pas que cela devrait vous stimuler à faire vos valises pour la découvrir. Avec une écriture musicale, Metin Arditi rend un bel hommage à la Grèce et à ses habitants, à notre capacité à limiter le désordre du monde, et il serait dommage de passer à côté.

Mais comment se battre ? Le pays était tombé aux mains d’opportunistes qui contrôlaient les affaires, la politique et les administrations locales. Brillants et cyniques, ils avaient transformé la Grèce en un animal exsangue, couché devant la meute et résigné à la voir arracher ses derniers lambeaux.
Oui, trois grammes de dignité auraient suffi pour qu’elle écrive :
Il fut un temps où nous offrions au monde des temples, des stades et des amphithéâtres. Aujourd’hui, nous défigurons un site merveilleux pour y construire le Pericles Palace, symbole de nos rendez-vous répétés avec le ridicule et la honte. L'enfant qui mesurait le monde - Metin ARDITI

Les détails du livre

L'enfant qui mesurait le monde

Auteur : Metin ARDITI
Éditeur : Grasset
Prix : 19,00 €
Nombre de pages : 293
Parution : 24 août 2016

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

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. 4 November 2021. Caroline D.